Immanouël pleure…
Une route de Judée à quelques kilomètres de Jérusalem.
C’est le soir, un groupe d’une vingtaine d’hommes se hâte vers la capitale : Immanouël, les apôtres et quelques disciples.
L’humeur est joyeuse, car la petite troupe vient de passer quelques jours à Béthanie chez des amis accueillants. En cours de route, des ovations spontanées ont salué le passage d’Immanouël : des Galiléens, mais aussi des Juifs de Judée, des inconnus venus d’on ne sait où. Souvent des familles entières se rassemblent devant les cabanes qu’elles ont construites pour y passer la semaine de Pâques et elle regardent passer Immanouël, en silence mais avec déjà une immense confiance dans le regard.
Les apôtres et les disciples qui accompagnent Immanouël ont l’impression de commencer enfin à voir les résultat de leur action. Pendant des mois, ils ont travaillé.
La Galilée avec un succès inégal : ici on les écoutait distraitement, ailleurs on les chassait carrément, mais, çà et là, une petite lumière s’allumait après leur passage.
Et voilà qu’à présent ils sont acclamés aux abords mêmes de la capitale. Finalement ce voyage à Jérusalem qu’ils redoutaient se présente sous les meilleurs auspices.
Soudain Jérusalem apparaît au détour du chemin. Un frémissement d’exaltation joyeuse court sur les disciples, qui se bousculent pour admirer la ville étendue à leurs pieds.
Tous connaissent déjà la ville. Ils y sont déjà venus plusieurs fois d’abord en pèlerinage avec leurs parents puis, plus récemment, avec Immanouël. A chaque fois c’est la même chose : ils ont envie de courir, de danser, de crier leur joie d’arriver enfin dans cette capitale au passé prestigieux et où l’on se sent si près de Dieu.
Immanouël, lui, ne participe pas à l’euphorie générale. Il reste en retrait, l’air lointain et u peu triste. Brusquement il s’effondre et les disciples découvrent avec surprise que leur maître pleure…
Il explique le motif de son chagrin : « Ah, Jérusalem, si tu avait compris le message de paix que je t’ai apporté ! » Puis il ajoute : « Des jours viendront sur toi, où tes ennemis t’environneront de retranchements. Ils t’investiront, te presseront de toute part. Ils t’écraseront sur le sol, toi et tes enfants en toi. Ils ne laisseront pas pierre sur pierre, parce que tu n’as pas connu le temps où tu fus visitée. »
Médusés, les apôtres écoutent sans bien comprendre. Certes, la situation de Jérusalem occupée est parfaitement humiliante. Mais les Romains ne sont pas éternels, la Ville de Dieu, elle, l’est. Quelles sont donc ces sombres menaces qu’évoque Immanouël ? En quoi l’avenir peut-il être pire que le présent ? Ils ne voient pas. De toute façon la bonne humeur s’est envolée. Les propos d’Immanouël ont profondément troublé les disciples, et c’est dans un silence morne qu’ils reprennent leur marche vers le Ville sainte aux jardins clos, humides et exquis, derrière les murs secs et lourds, sous les cieux immenses, criblés d’étoiles. (Luc : XIX. 41-44 ; XII. 34-35. Matthieu : XXIII. 37-38)
D'après l'Evangile, c'est sur la route de Béthanie, à quelques kilomètres de Jérusalem que Jésus a pleuré. Au-delà de la vallée du Cédron, on aperçoit les fortifications et les colonnes du Temple fidèlement reconstitué.