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Le chemin de Compostelle

 

800 km à pied en 1 mois, avec sac à dos pour tout bagage. Saline, journaliste

« Toutes les routes mènent à Santiago de Compostela. » 

Enfin, presque. Il n’existe pas un, mais des chemins de Compostelle. L’Espagne est en effet traversée par de nombreux itinéraires officiels, débutant de Valence, Irun, séville ou encore Ferrol. Le plus fréquenté est le Camino Francés (le chemin français), de + ou – 800 km, qui débute à Saint-Jean-Pied-de-Port dans les Pyrénées françaises. C’est celui-là que j’ai parcouru et pour lequel je peux donc partager mon expérience. Certains pèlerins réalisent avant ça le GR65 depuis le Puy-en-Velay en France, tandis que d’autres débutent… de leur domicile ! En Belgique, il existe d’ailleurs une dizaine de chemins traversant le pays. Il n’y a pas de règle : tout dépend de sa forme physique, du temps dont on dispose et surtout, de son envie.

Je ne suis pas spécialement entraînée, mais j’ai 28 ans, j’aime marcher et je ne connais pas de problèmes de santé. J’ai rencontré lors de mon pèlerinage des personnes qui avaient beaucoup plus d’expériences que moi en randonnée itinérante ou des sportifs endurcis, mais aussi bien d’autres, qui étaient parties sur un coup de tête, sans être vraiment en forme ou qui avaient des soucis moteurs. Le Camino Francés ne présente pas de difficultés insurmontables sans préparation. Il faut toutefois connaître ses limites et accepter de faire de étapes plus courtes ou de prendre des jours de repos de temps en temps, si nécessaire. Pour faciliter la tâche, il est possible de faire transporter son sac d’un lieu à l’autre.

L’équipement influence réellement le bon déroulement de l’expérience. On ne le dira jamais assez de bonnes chaussures et chaussettes font toute la différence (mais n’oubliez quand même pas de prendre un nécessaire pour soigner les ampoules!), ainsi qu’un sac à dos léger et adapté. Des bâtons de randonnée peuvent aussi se révéler utiles. Depuis la crise sanitaire, il faut également emporter son sac de couchage, les auberges ne mettant plus de couverture à disposition. Si un été, un simple sac à viande est suffisant, le reste de l’année, les nuits peuvent être fraîches. J’ai rencontré plusieurs pèlerins forcés de s’arrêter au Decathlon de Pamploma (première ville importante sur le chemin), pour acheter un sac de couchage de bonne qualité.

Tout au long du chemin se trouvent des auberges accueillant les pèlerins. Certaines acceptent uniquement les voyageurs dotés de la crédentiale (ainsi se nomme le passeport des pèlerins). Attention à vous renseigner au préalable, pour bien calculer les étapes : il se peut en effet qu’une quinzaine de kilomètres séparent deux options de logement (une distance considérable si on en a déjà parcouru 25!). Les réservations ne sont généralement pas possibles, on peut donc découvrir à l’arrivée qu’il n’y a plus de lits disponibles (surtout lors de la haute saison, en été). Le camping/bivouac n’est à lui pas vraiment pratiqué puisqu’il y a très peu de camping sur le chemin et qu’en Europe, le camping sauvage est interdit.

Le Camino Francés est découpé officiellement en 33 étapes, allant de 18 à 35 km. A Saint-Jean-Pied-de-Port, si vous vous procurez la crédentiale au Bureau des Pèlerins, vous obtenez la liste de ces étapes, ainsi que les logements par ville et village. Chacun suit cependant son propre planning, selon ses conditions physiques et en fonction des places disponibles en auberge (il m’est arrivé de marcher un quinzaine de kilomètres supplémentaires car tous les dortoirs étaient complets à ma destination finale). J’ai finalement mis 29 jours pour atteindre Saint-Jacques-de-Compostelle, avec un minimum de 19 km et un maximum de 42 km (c’était beaucoup!). Pour bien planifier mon itinéraire, je me suis fiée au guide des Rando Editions de Glénat, l’un des plus complets à mes yeux. Chaque halte y est décrite, avec les infos techniques (kilomètres, dénivelé…) et le bonnes adresses (à visiter, où manger, dormir…)

Compter maximum 30 euros par journée, mais il est tout à fait possible de s’en sortir pour moins que ça si vous faites vos courses et cuisinez vous-même (lorsque l’auberge à une cuisine, ce qui n’est pas toujours le cas). A titre informatif, 1 nuitée coûte entre 8 et 15 euros pour un lit dans un dortoir – la note grimpe évidemment si vous vous octroyez une chambre individuelle ou une chambre double. La plupart des cafés et restaurants proposent des menus pèlerins pour une dizaine d’euros, tandis qu’un lunch (une tortilla et une boisson) coûte +ou- 5 euros.

Les 100 derniers kilomètres suffisent pour obtenir la Compostela (le certificat de pèlerinage, autant dire le Graal!) à l’arrivée à  Saint-Jacques-de-Compostelle. Beaucoup de gens débutent donc à Sarrià, séparée de seulement 114 km de la destination finale. Résultat : cette partie est bien plus touristique que le reste du chemin (on le voit au prix plus élevés et aux infrastructures plus sophistiquées) et trop courue (on se retrouve rarement seuls sur le chemin, il y a beaucoup de marcheurs avec guide, de nombreux groupes scolaires…) J’ai adoré la ville de Burgos, que j’aimerais visiter dans un autre cadre (sa cathédrale est vraiment splendide, l’intérieur aussi!), et la partie suivant Foncebadon, dans la montagne, qui était recouverte de jolies fleurs mauves. Mais à mon sens, ce qui compte réellement sur le Camino, c’est l’ambiance sur le chemin. Et elle ne s’expérimente qu’en se donnant le temps . Je conseillerais dès lors de se lancer pour minimum 2 semaines, depuis Saint-Jean-Pied-de-Port. On ne débute ainsi pas seul(e) et cette durée permet de s’ancrer réellement dans l’expérience. Libre à vous par ailleurs de réaliser l’entièreté du pèlerinage en plusieurs fois, ce qui est très commun : de nombreuses personnes reprennent d’année en année le chemin là où elles s’étaient arrêtées jusqu’à ce qu’elles le terminent.

Le Camino reste un pèlerinage catholique tout au long du chemin, des messes sont organisées pour les pèlerins, des paroisses tiennent des auberges, des églises et cathédrales ponctuent l’itinéraire… Plusieurs lieux clés sont liés à la religion, telle la cathédrale de Saint-Jacques-de-Compostelle, où se termine l’aventure. Ou encore la Cruz de Ferro, une croix en fer où, depuis toujours, les pèlerins déposent une pierre transportée depuis le lieu de départ, représentant ce qu’ils souhaitent laisser derrière eux. J’ai par ailleurs eu la bonne idée de démarrer à Pâques, période symbolique très prisée par les croyants espagnols, qui profitent de la Semaine sainte pour marcher. Cependant, dans la globalité, très peu de marcheurs sont présents pour des raisons religieuses. La majorité des pèlerins entreprennent ce voyage pour des motivations personnelles, voire spirituelles au sens large. Tous ceux que j’ai rencontrés avaient ce besoin de prendre du recul et de faire le point sur leur vie. C’est une ambiance très étrange : lors du premier échange avec un inconnu, il n’est pas rare que celui ci demande la raison pour laquelle on est là, considérant d’emblée qu’il y a une explication profonde. On se retrouve donc vite à se confier, à réfléchir, à s’interroger… C’est vraiment un lieu pour se déconnecter de la vie quotidienne et favorable à l’introspection. Il y a aussi des personnes pour qui le chemin est un simple défi sportif, mais elles sont minoritaires.

Je n’ai ressenti aucune insécurité seule sur le chemin. Tout d’abord parce qu’il est très bien balisé et qu’il est donc presque impossible de se perdre, ce qui est déjà rassurant. Ensuite, parce que ceux qui se lancent dans cette aventure sont généralement dans un état d’esprit bienveillant. Il en est de même pour ceux qui tiennent les auberges et cafés : beaucoup d’entre eux ont réalisé le pèlerinage et sont venus s’installer sur place par la suite, tandis que les locaux adorent la convivialité entre les pèlerins. Enfin, même si la solitude est comprise et respectée, on n’est pas nécessairement seul-e pendant cette aventure : lors d’une pause, d’un repas à une auberge ou au détour d’un sentier, c’est assez facile de discuter avec quelqu’un. Au fil des jours, on revoit les mêmes têtes et des amitiés se nouent, entre ceux qui marchent à la même allure ou ceux qui ont, par hasard, décidé de s’arrêter aux mêmes étapes. Ainsi, j’ai commencé à Saint-Jean en solo, mais f^été mon arrivée à Saint-Jacques avec cinq amis rencontrés sur le chemin.

Les endroits où s’arrêter sur le chemin ne sont pas si nombreux (sauf sur les 100 derniers km). On se retrouve donc souvent tous dans le premier (et parfois seul) café dans chaque village traversé. Après avoir quitté Ponferrada sous la pluie, je me suis arrêtée pour prendre mon petit-déjeuner dans le premier endroit ouvert et j’y ai retrouvé Veronica, Kinsey, Alain, Marie et Abbie, mes rencontres les plus chères. Ça faisait plus 20 jours que je marchais et je suis finalement restée 1 heure dans ce bar miteux : pendant tout ce temps, chaque personne qui entrait nous connaissait et était heureuse de nous voir. On se disait bonjour en criant, surpris de se tomber dessus (même si la probabilité n’était pas si mince), puis on discutait de la météo et des prochains arrêts. C’est difficile à décrire mais c’était vraiment un moment hors du temps qui définit bien ce que cette expérience a été à mes yeux : se connecter avec de belles personnes et profiter de moments simples avec elles.

 

 

 

 

 

 

 

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