Souvenirs de Bouddha
Certains épisodes de la vie errante de Bouddha, des entrevues avec quelque docteur ou quelque puissant du monde se liaient au souvenir de tel ou tel discours authentique ou forgé ; avant tout, les débuts de sa vie publique, la conversion de ses premiers disciples et, d’autre part, la fin de sa carrière, ses paroles d’adieu aux siens et sa mort tenaient, comme il est aisé à comprendre, la première place parmi ces souvenirs. On avait ainsi des fragments biographiques, mais ce n’est que bien plus tard que l’on en composa, pour la première fois, une biographie.
Nous ne trouvons dans les anciennes sources que des renseignements relativement maigres sur la jeunesse du Bouddha, sur la période qui précéda le début de sa prédication ou, pour parler comme les Indiens, son arrivée à l’état de Bouddha, celle où il ne possédait pas encore cette science, source du salut, qui fit de lui le précepteur des dieux et des hommes, mais où il la cherchait, toujours. Cependant, des récits — historiques ou légendaires, peu importe, — relatifs à cette période même ne font pas complètement défaut. Tels sont les trois passages poétiques qui font partie de l’ancien recueil versifié, le Suttanipâta et qui relatent la visite que le sage Asita fit au Bouddha enfant, dont il prédit la gloire future ; puis le départ du jeune homme hors de son pays natal et sa rencontre avec le roi du pays de Magadha, et enfin, une histoire de tentation. Que l’on ne nous dise sur ce temps que fort peu de chose, rien n’est plus facile à expliquer. La Communauté était loin d’attacher autant d’intérêt à la personne terrestre de l’enfant et du jeune homme de la maison des Sakyas qu’à celle « du bienheureux, du saint, du parfait Bouddha ». Ce qu’on voulait savoir, c’était ce qu’il avait dit à partir du moment où il était devenu le Bouddha ; devant celui-là, tout autre intérêt s’efface, même celui qu’excitaient ses luttes pour la conquête de la « Bodhi ». Ce sont les siècles postérieurs qui, ornant dans une tout autre mesure que l’ancien temps la vie du Bouddha de merveilles sur merveilles, s’attachèrent les premiers avec un e prédilection particulière à environner la figure de l’enfant prédestiné des plus extravagantes créations d’une imagination déréglée.