L’héritage de Jésus
Sur tout cela, les gouverneurs romains laissent tomber un regard un peu las. Ce peuple, si malaisé, guettant toujours l’affront, ils le laissent vaquer en paix à ses occupations, pourvu que les intérêts romains essentiels ne soient pas en cause et que l’argent de l’impôt rentre tant bien que mal.
Le pouvoir de Rome à Jérusalem s’est, après quelques tâtonnements, arrêté à la forme du protectorat, analogue, si l’on veut, à celui de Lyautey au Maroc. D’ailleurs, que faire d’autre ? Si la capitale de l’Italie est une métropole sans égale, qui va vers le million d’habitants, et où le nombre d’étages des immeubles s’accroît sans cesse, Jérusalem aussi est une capitale, dont la population tend vers la centaine de milliers.
Ce n’est pas la première fois que des étrangers règnent en maître sur la terre des Juifs. Tout au long des siècles, ce territoire exigu que ne protège aucune frontière naturelle a vu déferler les armées de tous les grands empires voisins. Les uns passaient en tornade, saccageant tout et disparaissaient comme ils étaient venus. D’autres s’installaient et, méthodiquement, transformaient le pays.
Les Assyriens appartenaient à ce second groupe. Dès le VIIIè siècle avant Jésus, ils annexèrent la Galilée, la Transjordanie, puis la Samarie à l’Empire assyrien.
Aussitôt commencèrent les déportations d’habitants : 28 000 Samaritains furent déportés au-delà du Tigre et remplacés par des colons mésopotamiens. Mais Jérusalem restait encore indépendante. La Ville sainte des Juifs ne tombera que sous les coups du roi de Babylone,
Nabuchodonosor (-597). Le roi de Juda partira pour l’exil avec 10 000 de ses sujets, cependant que la ville et le Temple seront pillés une première fois par les vainqueurs. Dix ans plus tard, la ville fut à nouveau saccagée et les Babyloniens multiplièrent les actes de cruauté :
Le roi de Judas, Sédécias, fut contrant d’assister au massacre de toute sa famille, puis on lui creva les yeux avant de l’emmener en exil. Pour échapper au massacre, bon nombre de Juifs s’enfuirent en Egypte, abandonnant Jérusalem qui restera sous la coupe des Babyloniens pendant près de cinquante ans.
L’occupation des Perses qui succéderont aux Babyloniens à partir de -540 se traduira par une libéralisation considérable : les Juifs pourront rentrer en Palestine et reconstruire le Temple de Jérusalem.
La situation se gâtera à nouveau avec l’arrivée des Grecs (-333). Les héritiers des généraux d’Alexandre, Ptolémée puis Antiochos III et IV commenceront par déporter plusieurs milliers de Juifs en Egypte, puis ils tenteront d’imposer la civilisation grecque. Quand ils profaneront le Temple, ce sera la révolte des Maccabées et Jérusalem connaîtra quelques dizaines d’années de liberté. Jusqu’à l’arrivée des Romains
En Terre sainte, Rome aura, de peu, précédé Jésus. Il va venir à sa suite, et les nombreuses pages de vers de Péguy, en répétions lancinantes, nous le rappellent :
« Il allait hériter du monde occidental. Et les plis de la vague et des plis du destin… Les pas des légions avaient marché pour lui, Les voiles des bateaux pour lui s’étaient gonflées… Il allait hériter des lourds légionnaires. Sanglés dans la rudesse et la force romaine… Et les pas de César avaient marché pour lui… »
Le pouvoir de Rome n’est pas né d’hier. Tout cela vient de loin. On dit qu’après la chute de Troie, Enée avait abordé dans le Latium, sur le rivage occidental de l’Italie. Son descendant, Romulus, aurait fondé Rome en -753.