13 Février 2024
Est-ce qu'elle viole la liberté des religions? La Cour européenne des droits de l'homme a tranché
Les requérants arguaient d'une violation de leur droit à la liberté de religion et d'une discrimination dans l'exercice de cette liberté. Avec un étourdissement obligatoire, il n'est plus possible d'abattre les animaux en respectant à la lettre les préceptes de leur religion, avançaient-ils. La Cour ne les a pas suivis.
"En adoptant les décrets litigieux qui ont eu pour effet d'interdire l'abattage des animaux sans étourdissement préalable dans les Régions flamande et wallonne, tout en prévoyant un étourdissement réversible pour l'abattage rituel, les autorités nationales n'ont pas outrepassé la marge d'appréciation dont elles disposaient", communique la Cour mardi. La mesure apparait "justifiée dans son principe" et "proportionnée" par rapport à l'objectif de protection du bien-être animal.
Dans le détail, la Cour admet que la législation attaquée comporte bien une ingérence dans la liberté de religion des croyants juifs et musulmans. Restait à voir si la protection du bien-être animal est un "but légitime" qui peut justifier une telle ingérence, selon le texte de la Convention. Si la Convention des droits de l'homme ne la prévoit pas en tant que telle, cette protection du bien-être animal peut être rattachée à la notion de "morale publique", qui quant à elle est bien mentionnée dans l'article 9 (celui établissant le droit à la liberté de religion), estime la Cour.
Quant à la nécessité de l'ingérence, le législateur a bien pris soin de consulter tous les acteurs, y compris les groupes religieux, et a veillé à parvenir à un texte équilibré en prévoyant un étourdissement réversible pour les abattages rituels, note la CEDH. Les requérants, parmi lesquels le grand rabbin de Bruxelles Albert Guigui et l'Exécutif des Musulmans de Belgique, avaient précédemment tenté de faire annuler les décrets wallon et flamand interdisant l'abattage rituel sans étourdissement devant la Cour constitutionnelle.
Au nord comme au sud du pays, il est obligatoire depuis 2019 d'étourdir les moutons et bovins avant de les abattre pour produire de la viande halal ou kasher. Avec le rejet des requêtes par la Cour constitutionnelle en 2021, et l'arrêt de la CEDH ce mardi, les voies de recours apparaissent désormais épuisées pour les communautés musulmanes et juives qui rejetaient avec force ces décisions wallonne et flamande.
Le ministre flamand Ben Weyts, en charge du Bien-être animal, a salué la décision "historique" mardi. Un motif de "fierté" pour les Flamands, qui ont été "des précurseurs" sur ce plan, assure-t-il. Il lance au passage un appel à la capitale, seule Région du pays où l'abattage rituel sans étourdissement est encore possible. "Non seulement à Bruxelles, mais aussi dans toute l'Europe, la voie est ouverte à une interdiction".
À Bruxelles, la majorité s'était fissurée, en juin 2022, sur un texte Défi-Groen-Open Vld tentant également d'y interdire l'abattage sans étourdissement. Le texte avait rassemblé les voix d'une partie de la coalition mais avait échoué à parvenir à la majorité nécessaire.
L'organisation de défense des animaux Gaia n'a pas tardé à réagir, mardi matin. Gaia "se réjouit de l'arrêt" et entend désormais "faire pression sur la Région de Bruxelles-Capitale", communique-t-elle. "C'est un de mes plus beaux jours depuis que je me milite pour les animaux", ajoute Michel Vandenbosch, le président de l'organisation.