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La légion romaine

La nuit, ce sont rondes de cavalerie, relèves de sentinelles. Au matin, on repart. La boisson de marche est du vinaigre allongé d’eau. Le stoïcisme est la règle, le manque de courage un crime absolu. Race de fer. Race d’assaut. Race de discipline. Partout, on attaque. Et partout, selon le rite, la stratégie règlementaire. Attaque des places sous la pluie de flèches, en formant la tortue, mêlée de rugby serrée, boucliers au-dessus des têtes. Attaques en rase campagne, où seule, au pas de course, s’élance la première ligne, qui jette le javelot à bonne distance, puis combat corps à corps à l’arme blanche, tandis que les lignes suivantes demeurent immobiles, impassibles. Mais que balance le sort des  armes,  elles  donnent à leur  tour,  indéfiniment,  jusqu’à ce que l’armée ennemie,  la horde barbare, saignante et les nerfs brisés devant cette résolution  sans appel, perde courage,  perde contenance, perde pied, se débande. Alors, de camp en camp, inexorablement, on avance. On marche. La tache de la loi romaine s’étend, inéluctable, sur la carte, couvre le bassin méditerranéen.

 En ces années zéro, on occupe l’Italie, bien sûr, mais aussi la France, l’Espagne, le Portugal, la Belgique,  la  Hollande,  une  partie  de  l’Allemagne,  une  partie  de  l’Autriche,  la  Suisse,  la Yougoslavie, l’ Albanie, la Grèce, la Bulgarie, la Turquie, une partie de la Roumanie, le nord du Maroc, de l’Algérie, de la Tunisie, de la Libye, l’Egypte, le Liban, la Syrie (donc Israël). C’est un Empire qui parle grec ou latin, commerce en circuit fermé et avec l’extérieur (jusqu’à la Chine), et groupe 100 millions d’hommes de races innombrables, sous la garde de 350 000 soldats. Une ligne de défense de 9 000 kilomètres, gardée tout au long par des légionnaires, entoure encercle cette île immense et glorieuse de la paix romaine. Les paysans, les chasseurs de l’ouest européen couvert de forêts (…"les écorcheurs de bêtes, les brûleurs d’herbes”… Dira Rimbaud), on n’a pas eu trop de mal à les mettre au pas, avec de la violence (César passe pour avoir tué un Gaulois sur trois), suivie de complaisance politique. (Il y a des Gaulois et des Espagnols au Sénat).

L'homme de Rome

“Tout sauf les Hérodes”, avaient dit les Juifs de Jérusalem à l’occupant romain. Ils ne voulaient pas d’Arabes,  ils  eurent  un  Romain.  Et  comme  la  Judée  n’était  ni  riche,  ni  importante,  son administration fut confiée à un fonctionnaire de la classe des chevaliers, dernier échelon de la noblesse romaine. Son titre : procureur. Quand à ses pouvoirs, ils sont pratiquement illimités, et, en Judée (tout comme en Samarie), il constitue l’autorité judiciaire suprême. Toutes les condamnations à mort prononcées par le Sanhédrin, conseil juif détenant le pouvoir judiciaire et législatif, doivent
être ratifiées par lui. Si le Grand Prêtre, chef du Sanhédrin, se montre gênant, il est destitué. Cela arrive en moyenne une fois tous les quatre ou cinq ans.
L’exécution  des  condamnés  est  confié  à  l’armée,  comme  dans  tout  régime  de  gouvernement militaire.  Malgré l’étendue de ses pouvoirs, l’homme de Rome n’en use, en général, qu’avec mesure. Il se sait assis sur une poudrière et se garde bien d’intervenir dans les affaires religieuses de ce peuple, pour lui étrange.

D’ailleurs c’est la volonté de Rome. L’empereur ne demande qu’une chose : une administration sans histoire. Le cinquième procurateur, Ponce Pilate, l’apprendra lors d’un incident où il fut désavoué par Tibère. Il avait fait installer au palais d’Hérode, à Jérusalem, des boucliers portant le nom de l’empereur. Ce fut un beau tollé : les quatre fils d’Hérode, les magistrats de la ville vinrent lui demander de retirer ces emblèmes offensants pour les croyances religieuses des Juifs. On écrivit même à l’empereur, et l’ordre d’enlever les enseignes vint de Rome. Non, vraiment, il valait mieux pour le procurateur demeurer à Césarée : là, il y avait un palais confortable, des thermes, un théâtre… Et pas trop de Juifs.

 

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