Abraham Aboulafia L’hérétique de la Cabale

Publié le par Marie-Anne Keppers

Une des originalités de la cabale est de faire de la parole humaine un reflet du Verbe de Dieu, à l’origine de la création. Ainsi, tout texte recèle une parcelle de divinité à retrouver. Cette exploration du sens caché des mots et des phrases a fasciné Abraham Aboulafia, (Philosophe juif médiéval, cabaliste et mystique du 13ème siècle), convaincu que l’on pouvait s’élever jusqu’à Dieu, non plus par intuition, mais par méthode. Une approche qui ne fut pas du goût de ses pairs et qui l’obligea a quitter l’Espagne pour une vie d’errance autour du Bassin méditerranéen. Fasciné par la théorie des correspondances, il explora les affinités secrètes entre sons, couleurs, lettres de l’alphabet et rythme du souffle humain. Cette quête l’amena à développer des techniques pratiques combinant la voix, la respiration et la réflexion afin d’entrer dans un état de proximité avec le divin. Une innovation stupéfiante pour l’époque, mais surtout inquiétante pour les autorités religieuses, d’autant qu’il prétendit avoir acquis l’esprit de prophétise. Mis au ban de sa communauté, il décida de convaincre les chrétiens du bien-fondé de sa révélation. Il se rendit donc à Rome en 1280 pour rencontrer le Saint Père… et le convertir ! Le décès subit du pape évita sans doute à Aboulafia une mort certaine. Dénigrée en son temps, son œuvre foisonnante est une de celles qui résonnent le plus avec notre modernité.
Si Aboulafia a souvent une réputation d’illuminé, voire d’hérétique, dans la tradition juive, il n’en est pas de même dans la littérature européenne. Dans son roman Le Pendule de Foucault, paru en 1988, qui explore l’univers parfois ubuesque des sociétés secrètes contemporaines, Umberto Eco donne à un ordinateur jouant le rôle de démiurge le nom de Aboulafia.
Il propose de trouver Dieu par un enseignement pratique et un décryptage des textes sacrés. Convaincu que l’on peut atteindre l’extase en retrouvant le vrai nom de Dieu, il met au point des exercices spirituels consistant à visualiser les lettres sacrées en les associant avec des rythmes respiratoires. Une technique de méditation étonnamment proche du yoga !

Publié dans Mythes

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