Art sacré de la mémoire

Née dans les milieux juridiques de l’Antiquité pour pallier le manque de support d’écriture, l’art memoriae est une technique mentale qui associe à un concept une image et un lieu. Ainsi, un avocat, pour se souvenir du déroulement de sa plaidoirie, suit un itinéraire dans un lieu familier, décoré d’objets personnels auxquels sont associés un thème précis, une articulation logique ou bien une phrase-clé. Cette mnémotechnique utilitaire se répand de l’Antiquité au Moyen-Âge, de Cicéron à saint Thomas d’Aquin, qui en fait même une qualité comparable à l’intelligence.
Cette mémoire artificielle va se transformer en un instrument de connaissance au 15e siècle, et c’est le philosophe Giordano Bruno qui va opérer cette transmutation. Inspiré des recherches du philosophe médiéval Raymond Lulle, qui avait inventé une logique combinatoire à base de figures géométriques. Giordano Bruno veut créer une clé universelle qui, en associant mémorisation et combinaison, pourra rendre compte de n’importe quel phénomène…, voire même en prévoir de futures. Brûlé en 1600 par l’Inquisition, Bruno, à travers sa science totale, rappelait trop à l’Église une pratique magique médiévale, l’ars notoria, où, en combinant des figures et empreintes, c’est-à-dire des formes géométriques multiples, on pouvait parvenir à des connaissances secrètes, réputées diaboliques.
Au Moyen-Âge, dans les milieux religieux, se développe une nouvelle interprétation de l’art de la mémoire : la scientia perfecta. Si l’image d’un lieu permet de se souvenir de notions, l’image de Dieu, elle va devenir un support pour la méditation. Ainsi, des représentations du Christ à travers ses blessures, des plans d’église censés refléter la structure du ciel, ont été utilisés à des fins mystiques, non plus pour mémoriser, mais pour s’identifier au divin.

1232-1315 Raymond Lulle écrivain, missionnaire, franciscain majorquin.

1548-1600 Giordano Bruno Philosophe italien et dominicain, il développa la théorie de l’héliocentrisme.