15 Juillet 2024
— Une tradition, très répandue, fait du Bouddha un fils de roi. A la tête de cette constitution aristocratique il y avait effectivement p.118 un chef, établi nous ne savons d’après quelles règles, et qui portait le titre de roi ; dans l’espèce, ce titre ne devait guère désigner autre chose que la situation d’un « primus inter pares ». C’est cette dignité royale qu’aurait possédée Suddhodana, le père du Bouddha ; mais cette idée est complètement étrangère à la forme la plus ancienne sous laquelle nous soient parvenues les traditions au sujet de sa famille : il nous faut voir plutôt dans Suddhodana tout simplement un de ces grands et riches propriétaires fonciers que comptait la race des Sakyas : ce sont seulement les textes postérieurs qui en ont fait « le grand roi Suddhodana ». C’est ainsi que chez les Jaïnas, le père du fondateur de la secte, manifestement d’une condition analogue à celle du père du Bouddha, a été transformé plus tard en un puissant monarque.
La mère de l’enfant, Mâyâ,appartenait également à la famille des Sakyas : elle mourut de bonne heure, nous dit-on, sept jours après la naissance de son fils ; sa sœur Mahâpajâpatî, seconde épouse de Suddhodana, tint lieu de mère à l’enfant.
JEUNESSE. MARIAGE. — Le récit traditionnel, d’accord sans doute avec la vérité, veut que le jeune noble ait passé sa jeunesse à Kapilavatthu.
De l’enfance du Bouddha nous ne savons presque rien. On nous parle d’un demi-frère et d’une demi-sœur, célèbre pour sa beauté, tous deux enfants de Mahâpajâpati. Quelle différence d’âge les séparait de leur frère, c’est ce que nous ignorons.
Dans l’Inde d’alors, l’éducation des enfants de bonne famille était plutôt tournée vers les exercices physiques et guerriers que vers la connaissance du Véda : les Bouddhistes n’ont jamais attribué à leur maître aucune érudition en matière védique.
En ce temps, un jeune homme riche et de qualité, pour mener un train de vie confortable et conforme à son rang, ne devait pas posséder moins de trois palais, ayant chacun une disposition particulière. Ils étaient faits pour être habités tour à tour suivant les saisons : on avait un palais d’hiver, un palais d’été, un palais de saison-des-pluies. La tradition veut que le futur Bouddha ait aussi passé les années de sa jeunesse dans trois palais semblables ; sa vie se mouvait sur ce même fond de riches décors dont s’entouraient alors comme aujourd’hui, dans l’Inde, les habitations des Grands ; ce sont des jardins pleins d’ombre, avec des étangs de lotus, et, à la surface de ces étangs, ondule doucement comme un lit flottant de fleurs bariolées qui brillent au soleil et, le soir, répandent au loin leurs parfums ; ce sont aussi, hors de la ville, les grands parcs où l’on se rend en voiture ou à dos d’éléphant, et là, loin du bruit du monde, sous l’ombrage des grands arbres touffus, des manguiers, des pippalas et des sâlas, on trouve, dès le seuil, repos et solitude.
On nous dit que le futur Bouddha fut marié ; un des textes tardifs du canon pâli cite le nom de sa femme : Bhaddakaccâ 4, et laisse entendre qu’elle fut sa seule épouse légitime. Un fils né de ce mariage, Râhula, devint plus tard membre de l’ordre des religieux. Nous n’avons aucune raison de regarder ces détails comme inventés après coup, tout au contraire ; les plus anciennes traditions nous les donnent sans dessein et en passant : jamais la personne de Râhula ou de sa mère n’a servi de moyen d’édification ni de prétexte à situations pathétiques. Qu’on songe enfin au rôle que joue, dans la conception morale et les règles monastiques des Bouddhistes, le devoir d’étroite chasteté, et l’on se convaincra que nous sommes en présence de faits réels et non d’inventions arbitraires ; si l’on avait altéré ici l’histoire, ç’aurait été dans un tout autre sens : loin d’inventer de toutes pièces. Un mariage, on n’aurait songé qu’à dissimuler ce fait que le futur Bouddha avait été marié.