16 Septembre 2024
Enheduanna, en-he2-du7-an-na ou En-Hedu-Ana, qui signifie peut-être « Noble ornement du dieu Ciel ») est une des filles du roi Sargon d'Akkad, princesse, prêtresse et poétesse de langue sumérienne. Elle a vécu vers le XXIIIe siècle av. J.-C.. Elle est le plus ancien auteur littéraire dont le nom ainsi qu'une part significative de l'œuvre nous soient parvenus, donc peut-être le plus ancien écrivain qui nous est aujourd'hui connu.
Elle est aussi la seule femme connue parmi les grands auteurs de la littérature mésopotamienne.
Le tout premier écrivain connu de l’histoire de l’humanité s’appelait en effet Enheduanna (nom que l’on trouve aussi écrit En-Hedu-Ana), un nom qui signifiait en sumérien « Noble ornement du dieu Ciel ». Cette femme, née en 2285 av. J.-C. et morte en 2250 av. J.-C., était la fille du roi Sargon d’Akkad et de la reine Tashlultum (à vos souhaits), un couple qui régnait sur la région d’Akkad, située dans l’actuel Irak.
Enheduanna est vraisemblablement la fille d'une prêtresse sumérienne, concubine de Sargon d'Akkad et non pas de la reine Tašlutum. Pour tenter de mieux contrôler la plus importante des villes de Sumer, son père en fait la grande prêtresse du dieu tutélaire de la ville d'Ur : Nanna, le Dieu-Lune ; une des divinités majeures du panthéon mésopotamien. À sa suite, d'autres filles de rois dominant la Mésopotamie occuperont cette même fonction
— comme Enmenanna, fille de Naram-Sin d'Akkad, jusqu'à la fille de Nabonide, roi de Babylone au VIIe siècle av. J.-C..
Elle continue à assumer sa charge après la mort de son père, avant d'être exilée pendant le règne de son demi-frère Rimush, peut-être pour des raisons politiques, puis réintégrée dans ses fonctions. Cet exil est évoqué dans son poème le plus fameux L'Exaltation d'Inanna. Il est aussi possible qu'elle ait été divinisée après sa mort.
Enheduanna est célèbre dans la Mésopotamie antique pour avoir été à l'origine d'hymnes religieux restés en usage pendant les siècles qui suivirent. Principalement trois hymnes à la déesse Inanna, protectrice de la dynastie d'Akkad, déesse de la guerre (et de l'amour physique) :
in-nin-me-hus-a,(INM), La victoire d'Inanna sur l'Ebih
in-nin-sa-gur-ra, (INS), La déesse vaillante
nin-me-sar-ra,(NMS), Déesse de tous les pouvoirs divins plus connu comme L'exaltation d'Inanna]
Lui sont également attribués une suite de 42 poèmes figurant sur 37 tablettes retrouvées à Ur et à Nippur datant essentiellement de la Troisième dynastie d'Ur, copies de tablettes plus anciennes.
Cette suite e-u-nir est connue comme Les Hymnes de temple sumériens5. Pour chacune des principales villes de l'empire de son père, Enheduanna écrit un court poème dédié au dieu tutélaire de la cité et au temple de ce dieu.
Ces Hymnes de temple devaient constituer une nouveauté puisque, juste après sa signature Enheduanna ajoute :
« Mon roi, a été créé ce qui n'avait jamais été créé auparavant ».
Enfin, l'utilisation de la première personne du singulier dans certains hymnes religieux devait également marquer une première. Naturellement, comme souvent dans l'antiquité, une partie de cette œuvre est apocryphe, ce que confirment les anachronismes de certains des textes : mention de temples de construction postérieure à son époque ou emploi de tournures linguistiques qui ne sont pas décrites de son temps. A contrario, Joan Westenholz estime que deux hymnes connus au dieu Nanna devraient également lui être attribués [Westenholz, 1989].
Enheduanna est représentée au milieu de trois autres personnages sur un disque d’albâtre de 26 centimètres de diamètre trouvé en 1927 dans les fouilles du gipar (ou giparu = presbytère) du sanctuaire de Nanna à Ur dans un couche datée du XXe siècle av. J.-C. et actuellement visible au musée archéologique de l'université de Pennsylvanie à Philadelphie. Au dos du disque figure l'inscription : « épouse de Nanna et fille de Sargon ». Également, deux sceaux portant son nom et datés de l'époque de Sargon ont été découverts au cimetière royal d'Ur.
Attribués à Enheduanna ré Enheduanna est l'une des 1 038 femmes dont le nom figure sur le socle de l'œuvre contemporaine The Dinner Party de Judy Chicago. Elle y est associée à la déesse Ishtar, troisième convive de l'aile I de la table.
Ces hymnes chantaient la gloire de cette déesse, belle et terrible, dont Enheduanna invoquait le nom pour terrasser les ennemis de son peuple, comme dans L’Exaltation d’Innana, son texte le plus connu :
Dame de tous les pouvoirs divins, lumière resplendissante, femme vertueuse habillée de rayons, chérie d’An et d’Uraš ! Maîtresse du paradis, au grand diadème, qui aime la belle coiffure convenant aux hauts offices de la prêtresse, qui détient tous ses sept pouvoirs ! Ma dame, vous êtes la gardienne des grands pouvoirs divins ! (…)
Faisant pleuvoir un brasier enflammé sur la terre, dotée des pouvoirs divins d’An, dame chevauchant une bête, dont les mots sont prononcés par la commande divine d’An ! Les grands rites sont vôtres : qui peut en sonder les profondeurs ? Destructrice des terres étrangères, vous conférez de la force à l’orage. Chérie d’Enlil, vous avez fait peser une terreur stupéfiante sur la terre. Vous êtes établie au service des commandes d’An.
A votre cri de guerre, ma dame, les terres étrangères s’inclinent très bas. Lorsque l’humanité, silencieuse et effrayée, s’avance devant vous dans une tempête et un éclat terrifiant, vous empoignez le plus terrible des pouvoirs divins.
ou encore ce texte
Moi, Enheduanna, prêtresse d’En, j’ai apporté le ĝipar [un fruit] sacré à votre service. J’ai porté le panier rituel et entonné la chanson de joie. Mais les offrandes d’obsèques étaient apportées, comme si je n’avais jamais vécu là. Je me suis approchée de la lumière, mais elle me brûlait. Je me suis approchée de cette ombre, mais j’ai été couverte d’une tempête. Ma bouche mielleuse est devenue écume. Ma capacité à calmer les caprices s’est évanouie.