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Temps de vaines recherches

C’est ainsi que la jeunesse du Bouddha s’était écoulée dans sa patrie ; à ce moment s’ouvre une nouvelle période, celle de son exil volontaire ; désormais, il va mener la vie errante d’un ascète. La première chose à faire, c’était en effet de rompre les liens de la vie domestique et de la famille ; à cette condition seule, on pouvait atteindre le salut éternel : ainsi le voulaient les idées du temps.

Selon toutes probabilités, pendant les sept années qui suivirent son départ de sa ville natale, il chercha : ce n’est qu’au bout de ce temps, qu’il eut conscience d’avoir trouvé, qu’il se reconnut lui-même comme le Bouddha, le Délivré et le prédicateur de la Délivrance pour le monde des dieux et des hommes.

Pendant ces sept ans, il commença par suivre succes­sivement les leçons de deux précepteurs spirituels : sous leur direction, il comptait atteindre ce que, dans la langue du temps, on nommait « le plus haut état de noble repos », le « néant », le « Nirvâna », « l’état éternel ». Par quel chemin ces maîtres prétendaient-ils l’y conduire ? Sans doute, ils s’occupaient de provoquer l’état patholo­gique qu’on peut désigner sous le nom d’« absorption en soi » : pratiques déjà courantes alors et tout à fait du genre de celles qui ont joué plus tard, dans le Bouddhisme lui-même, un rôle très important. Pour arriver à cet état, il suffit de garder longtemps et sans interruption certaines attitudes prescrites, moyennant quoi l’esprit se figure se débarrasser de tout contenu défini, de toute idée, de toute représentation, et, ajoute-t-on, de l’absence même de représentation.
Cependant il ne trouvait pas la paix : alors il aban­donna ces maîtres, et il allait à l’aventure à travers le pays de Magadha : enfin il arriva au bourg d’Uruvelâ . Un vieux récit lui fait dire en parlant de ce voyage :

« Arrivé en cet endroit, ô disciples, je songeai ainsi en moi-même : « Vraiment, c’est ici un agréable coin de terre, une belle forêt ; la rivière coule limpide et présente de jolies places pour le bain ; tout autour sont situés des villages où l’on peut aller : il fait bon être ici pour un cœur magnanime et qui aspire au salut.
Aujourd’hui encore ces lieux mémorables présentent un aspect tout pareil à celui qu’évoquent ces paroles. L’étendue de la forêt et de la brousse a diminué, mais il ne manque pas, parmi les champs et les prairies, d’impo­sants bosquets de grands arbres. J’ai vu la rivière en hiver, alors qu’elle était en grande partie desséchée dans son large lit de sable ; pendant la saison des pluies elle est sujette, dit-on, à des crues soudaines. La ligne de l’horizon est formée par de gracieuses collines boisées et des rochers.

 Là, dans les bois d’Uruvelâ, Gotama a dû passer de longues années se livrant aux plus austères macéra­tions . Là il a erré « comme une gazelle sauvage », selon l’expression qu’emploieront par la suite les textes sacrés.
« Quand j’apercevais un gardien de bœufs, ou un gardien de menu bétail, ou quelqu’un qui allait chercher de l’herbe ou du bois, ou un bûcheron, je me précipitais de forêt en forêt, de fourré en fourré, de vallée en vallée, de colline en colline. Et pourquoi cela ? Pour qu’ils ne me voient pas et pour que je ne les voie pas.

Il s’arrache cheveux et barbe, couche sur des épines, laisse la boue et la poussière envahir son corps. Il se tient assis, la langue appuyée contre le palais, « fixant, pressu­rant, torturant fortement » sa pensée : il attend l’instant où lui viendra l’Illumination surnaturelle. Elle ne vient pas. Il cherche à s’affranchir, de façon de plus en plus parfaite, des dernières exigences du corps, réprime son souffle, s’abstient de toute nourriture. Un vieux texte versifié lui fait dire :

« Mon sang rouge s’est desséché, ma bile s’est desséchée et de même ma salive.
— Quand ma chair toute entière aura disparu, mon âme de plus en plus sera lumineuse,
— de plus en plus fermes seront la vigilance de l’esprit, la sagesse et la méditation.

Cinq autres ascètes demeurent dans le voisinage de Gotama : ils sont pleins d’admiration devant la grandeur de ses macérations ; ils attendent pour voir s’il obtiendra l’Illumination tant désirée : leur intention est de devenir alors ses disciples et de suivre le chemin qu’il leur mon­trerait vers la délivrance. Son corps est épuisé par les tourments qu’il s’impose, et cependant il se sent toujours aussi loin du but. Il reconnaît que les macérations ne peuvent nullement le conduire à l’Illumination. Il prend donc de nouveau une abondante nourriture pour retrou­ver ses forces perdues. A ce moment ses cinq compagnons le quittent : ils le regardent comme déchu : il n’y a plus rien à attendre de lui. Et ainsi Gotama reste seul.

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